La boucherie Merlier

André Chenevisse nous parle d’une époque où le transport des marchandises se faisait par le chemin de fer et où Donzère « exportait » sa production

“J’ai retrouvé dans mes archives personnelles une photo “citrate” des années 1900/1910 qui représente mon grand-oncle Émile Merlier heureux d’exhiber les carcasses d’agneaux de la Drôme. Il est évident qu’une telle abondance ne correspondait pas aux seuls besoins de la clientèle locale : douze carcasses d’un coup à Donzère en 1900, il y a certainement un “truc”. C’est ce “truc” que je vais essayer d’élucider ci-après.
Qui pourrait (ou pouvait) croire qu’en 1900 Donzère fournissait les Halles de Paris ?
Donc les frères Merlier, Émile et Charles exploitaient à Donzère vers 1900, une boucherie située dans la Grande Rue qui fournissait alors des “agneaux de la Drôme” à Lyon et même à Paris. Les carcasses étaient déposées dans des “banastes” faites en bois de châtaignier tressé recouvertes d’un tissu de jute cousu sur le pourtour. Un train frigorifique circulait alors entre Paris et Avignon et assurait tout le long de son parcours le transport de denrées variées : à l’aller du poisson venu de Boulogne et au retour les fameux agneaux de la Drôme. À la remontée, une halte de nuit était prévue à Donzère. Dans ce train circulaient aussi les “ambulants” qui, à bord effectuaient le tri postal ; une boite aux lettres permettaient de déposer le courrier jusqu’à une heure du matin en gare de Donzère. J’ai bien connu un “ambulant” natif de Donzère, Monsieur Paradis, fils d’un facteur donzérois (très apprécié de toute la population locale). Grâce à “notre ambulant”, les initiés pouvaient avoir en mains la presse parisienne dès l’aurore. Les peaux des agneaux, après séchage, étaient vendues à un “laveur” habitant près de Grignan. La population donzéroise diposait d’une abondante quantité de cervelles et abats non transportables”.

Article d’André Chenevisse publié dans « Recherches Donzéroises » n°36 de 2010
Photographie : Donzère vers 1900, Emile Merlier. Carcasses d’agneau de la Drôme livrées à Lyon et à Paris par train wagon « glaciaires ».